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Touboulic Pierre-Marie

Ce blog concerne la vie d'un brestois du XIXe siècle, Pierre-Marie Touboulic: ses activités, ses relations professionnelles et personnelles.

Un hommage à Toussaint Touboulic frère de Pierre-Marie

Publié le 4 Juillet 2013 par Le Mell

Cet hommage est une retranscription dont l'original se trouve dans les archives du service historique de la défense de Brest dans le dossier de Toussaint Touboulic. Le nom de l'auteur n'est pas dévoilé.

"Touboulic (Toussaint François) capitaine de frégate en retraite chevalier de Saint Louis, membre associé de la société internationale des naufragés, né à Brest le 30 septembre 1776 et mort en cette même ville à l'hôtel des invalides des officiers de la marine le 12 juillet 1843.

Touboulic (Toussaint François) comme beaucoup d'enfants de familles estimables mais sans fortunes, sentit de bonne heure qu'il devait être artisan de la sienne et comme presque tous les jeunes brestois de l'époque il se tourna vers la carrière maritime, celle qui permettait lui offrir le plus l'avenir en même temps convenir le mieux à ses goûts.

Mousse en 1790 à bord de la corvette la Blonde que commandait le comte de Brove, il passa successivement en qualité de novice à bord des vaisseaux Dugay Trouin, l'Achille et le Jupiter, fut aspirant de 2ème classe en 1793 , il était au combat du 9 prairial, ou juin 1794 où il reçut plusieurs blessures lesquelles il s'est toujours ressenti et qui depuis deux ans s'étant ré-ouvertes sont venues avancer la terminaison de sa vie. Sa vaillante conduite lui mérita un certificat honorable de ses chefs, et le grade d'aspirant de première classe.

Du vaisseau La Bretagne, appelé alors le Révolutionnaire, il passa successivement sur les frégates ou flûtes, la Méduse, l'Etoile, la Surveillante, revint sur la Méduse, le 17 mars 1796, commandé par le chef de division Thomas, fit une campagne d'Amérique sur cette frégate et se trouvait à bord lors de son combat contre Queleck, frégate anglaise qui escortait cinq transports chargés de troupes, pour le Môle Saint Nicolas et Saint Domingue.

Les français après avoir forcé la frégate anglaise à fuir, s'emparèrent des cinq transports, et Touboulic fait capitaine de l'une de ces prises eut le bonheur de conduire la sienne à bon port. En 1796, il fut successivement capitaine du Résolu et des deux prises le Diamant et le West-Indix, qu'il conduisit également avec bonheur au Port au Prince (Saint Domingue) le dernier de ces bâtiments était un beau Brick de 30 canons. Ensuite embarqué sur l'Harmonie (commandant capitaine Billet), jusqu'au jour (20 avril 1797) où cette frégate embossée dans la baie moustique combattait contre trois vaisseaux anglais, sauta du fait de la volonté de son capitaine et de l'Etat Major. L'absence de toute brise et la force trop supérieure de l'ennemi les ayant obligés à cette détermination afin de ne pas tomber en son pouvoir.

Immédiatement après embarqué sous les ordres du même capitaine sur l'Indien, Touboulic fut fait enseigne de vaisseau le 8 juillet 1797. Passa sur l'Enfant Prodigue sur lequel il resta jusqu'au 20 juin 1800 dont le commandement lui fut à différentes reprises confié quoiqu'il ne fut qu'enseigne son séjour à bord de ce bâtiment lui donna l'occasion de prendre sa part d'un combat que l'Enfant Prodigue soutint contre un aviso anglais et qu'il amarina, quoique chassé lui-même par un vaisseau et un frégate de même nation.

Le trois août 1800 Touboulic reçut un ordre d'embarquement pour la Réolaise, corvette commandée par Duclos et destiné à la croisière des côtes difficiles du sud de la Bretagne.

Ce bâtiment, le 1è novembre même année fut assailli dans la baie de Quiberon, par les bâtiments anglais le Captane, vaisseau de 74 , une frégate, et trois corvettes. La corvette française résista 8 heures et son explosion décidée sous le canon de l'ennemi, priva encore une fois celui-ci de la possession d'une proie qu'il pensait bien ne pas pouvoir lui échapper.

Sorti heureusement de ce dernier danger, notre brestois continua un service actif dans les ports et à bord de divers bâtimens qui tinrent station sur les côtes de France ou qui prirent croisière sur celles d'Amérique sans qu'il n'y ait rien de particulier à noter si ce n'est quelques pertes que ces bâtimens firent éprouver au commerce anglais et la fatigue extrême et toujours inséparable de la navigation en temps de guerre.

Devenu lieutenant de vaisseau en 1804, Touboulic était embarqué en cette qualité à bord du brick le Bélier, lorsque ce bâtiment le 24 novembre étant en croisière près de la côte de Guzurat (Inde) eut un engagement sérieux avec la frégate anglaise le Fox. Le Bélier quoiqu'ayant eu un officier et plusieurs matelots tués, ne fut pas pris par l'anglais et, trois jours après força un stationnaire armé de canonnades de 32, à se jeter à la côte sous le fort Duo ? (Asie) et reprit le lendemain sur les anglais le corsaire l'Espiègle, après cette campagne, notre actif officier revint à Lorient où il accepta un des services au port, mais il ne tarda pas à se fatiguer de ce quasi repos et il y avait tout au plus un an qu'il en jouissait qu'il provoqua lui même son embarquement sur la frégate le Président, et sur cette frégate commandée par le capitaine Gassier La Brosse, il fit une nouvelle et dernière campagne d'Afrique et d'Amérique, encore quelques heures d'une heureuse navigation et le Président chargé des riches produits de plusieurs prises allait faire son entrée à Lorient , mais il n'en devait pas être ainsi, les flots et les destins sont changeants.

Touboulic, qui depuis son jeune âge n'avait cessé d'être un marin heureux, va cesser de l'être. Le 27 septembre 1806, au lever du soleil la vigie crie navires au vent. Le Président reconnaît une escadre et c'était celle de l'Amiral anglais Luis. La brise favorisait l'ennemi, et une chasse de 17 heures fut appuyée à la frégate française qui après avoir essuyé plusieurs bordées de force si supérieure et après avoir vaillamment riposté fut obligé de se rendre.

Prisonnier de guerre de 1806 en 1811, notre brave marin, ne cessa pendant cette longue captivité de travailler et de s'occuper de manière à pouvoir se rendre encore utile non seulement à sa patrie mais aussi à l'humanité entière.

Il médita plusieurs moyens de sauvetage sur lesquels plus tard nous aurons l'occasion de nous expliquer mais tout d'abord il s'arrêta à l'idée de la construction des panstéorama (modèle avec indications, ou plans en relief) des rades et des ports royaux des entrées, des passe des bases des récifs indication de la force et de la direction des courants de haute et basse marées, des sondes et, plus les remarques et marches à suivre pour éviter les dangers.

Au cautionnement de Winxcanton, il charma ses loisirs en exécutant le Panstéorama de cette petite ville avec tant de précision et d'une manière si heureuse que les anglais à la première vue reconnaissaient immédiatement leur demeure, par son obligeance extrême il se fit aimer de tous ses compagnons de captivité et par la gaieté et l'aménité de son caractère il ne contribua pas peu à les aider à en supporter la rigueur.

Géographe, un peu musicien, bon dessinateur, mécanicien, il monta aidé de ses amis et particulièrement de son beau frère (1) un théâtre qui fit le charme de la société de la petite ville anglaise ce qui ne contribua pas peu à augmenter les dispositions hospitalières des … habitants envers les français captifs.

Le 5 janvier 1811, les portes de la prison s'ouvrirent enfin pour Touboulic et peu de jours après il mettait le pied sur le sol de la patrie et recevait les baisers de sa famille et d'un grand nombre de ses frères d'armes si heureux de le revoir. Dès le 28 janvier, notre officier avait repris le service au port de Lorient, et peu de mois après appelé à Rochefort, il suivit le capitaine Fradin dans ses missions sur les vaisseaux l'Océan, le Régulier, le Patriote, passa sur le Foudroyant en 1814 en débarqua pour reprendre le service au port jusqu'au 1er septembre même année, jour où de triste mémoire tant de braves officiers de la marine française furent au grand contentement de l'Angleterre mis en non-activité , venu à Brest il fut appelé dans les cent-jours, dégommé comme on le disait à l'époque et jeune encore admis à la retraite le 1 novembre 1817, nommé chevalier de Saint Louis et capitaine de frégate honoraire .

Touboulic avait été un des premiers officiers de la marine présenté pour être fait chevalier de la légion d'honneur comme le constate une lettre du chef de bureau de la première division du ministère de la marine et des colonies en date du 14 mars 1804. Quelques propos m'a-t-on dit, tenus par une de ses parentés qui regrettait l'ancien régime furent exploités par la malveillance et l'envie , (car de tout temps la malveillance et l'envie ont agi contre l'homme qui mérite) l'empêchèrent d'obtenir alors cette distinction qu'il avait si bien gagnée.

L'occasion de se distinguer était alors trop fréquent pour tout marin qui ne voulait pas rester au port pour que Touboulic s'affecta le moindrement de cette déception, encore une campagne se dit-il un ou deux engagement avec nos amis les anglais quelques prises faites et un retour heureux à Lorient la ville gracieuse, et nous passerons ce n'est pas douteux la balancine de l'étoile dans la cantonnière de notre frère distingué.

C'est ainsi que s'exprimait souvent en termes figurés notre marin lorsqu'il était jeune et content de son sort, ce fut cette disposition d'esprit qui le détermina sans doute à solliciter son embarquement sur la frégate le Président, qui comme nous l'avons vu ne revint point en France malgré la valeur des hommes la montaient. Touboulic fut en prison et comme beaucoup d'autres il y fut oublié !

Au retour de chaque campagne le bonheur de notre marin l'avait porté à partager le produit de ses prises avec ceux de ses parents ou de ses amis qu'il savait ou qu'il rencontrait dans le besoin, aussi à la paix n'avait-il aucune ressource pour subvenir aux besoins de sa femme et de ses enfants qu'une médiocre solde de retraite de 1100 francs, la restauration ne fut pas prodigue à l'égard des premiers officiers de marine qu'elle admit à la retraite, aussi Touboulic vit-il comme il le disait, la misère à l'horizon poussée vers lui par une forte brise de rafale, s'il n'arrivait par un travail quelconque à attirer une brise heureuse du gouvernement sur sa famille, sa plus grande douleur était de se trouver dans l'impossibilité de faire suivre à son fils aîné la carrière que forcément on lui faisait abandonner alors il n'était plus permis d'espérer de l'avenir dans le noble métier de la mer en commençant par être mousse et la chose avait-elle été encore possible qu'il était trop bon père pour vouloir faire passer son fils par les mille et une vicissitudes que lui et tant d'autres avaient été obligés de traverser avant que d'arriver à bonne position.

Toujours à l'ouvrage comme à l'ennemi notre brave officier se mit à l’œuvre et après deux ans de travail minutieux et de patience, il soumit à l'examen d'une commission nommé ad hoc par ordre ministériel le panstéorama ou plan en relief de la ville de Brest de son port de sa rade et de ses environs (littoral jusqu'à l'île d'Ouessant dans le nord et Audierne dans le sud, rien n'y manquait, Passes, Vires, Amers, Roches, Remarques, Balises, direction des courants et celles à suivre par les vaisseaux et frégates longeant les brassiages les chiffres des hautes et basses marées, l'élévation des côtes, bien proportionnellement ménagée et les divers bâtiments ou objets remarquables qui les recouvrent parfaitement relevés et très artistement fixés.

L'approuvement des membres de la commission fut unanime et l'utilité de ce plan pour la marine fut reconnu par tout ceux qui furent admis à voir ce remarquable travail.

Touboulic aurait souhaité que ce Panstéorama eut été acquis par le gouvernement pour l'école de la marine où il en aurait fait volontiers hommage au Grand Amiral s'il avait été certain d'obtenir une amélioration dans sa position. Alors la commission ni l'auteur du travail ne reçurent de réponse, Touboulic s'abstint.

Le grand Amiral d'alors n'avait point été marin et il faut l'avouer la politique de l'époque ne le portait pas à s'intéresser aux travaux de nos vieux officiers.

Touboulic pressé par le besoin se rendit à Nantes et il vendit son Panstéorama à un montreur d'optique ou de vues, qui lui en donna un prix fort médiocre, mais il fallait vivre, et cette impérieuse nécessité met plus d'un génie à la disposition des manœuvres !

De retour à Brest l'existence lui étant très difficile dans cette grande ville, n'obtenant rien il sollicitait une place dans un des ports de nos colonies, notre infortuné marin rejoignit à Lorient en 1818, la famille de sa femme qui se souvenant que dans des temps meilleurs il avait été bon pour elle, l'aida autant qu'elle le put quoique peu à l'aise elle même.

Quelques temps après, on lui offrit et il accepta une place d'agent-fournisseur de combustible aux troupes de la garnison, il s'occupa avec zèle de cet emploi qui allait peu cependant à ses goûts. Quand en 1825, le ministre de l'intérieur sur la proposition de l'ingénieur en chef du département M. Lugzot et sur la demande du préfet du Morbihan, l'excellent administrateur le comte de Chazelles, le nomma maître de port de 1ere classe au Port-Louis, malgré cet avantage que l'on ne devait néanmoins considérer que comme un juste complément de son trop faible traitement de retraite, le sort en été jeté, Touboulic ne devait plus être heureux, il fit la faute, croyant agir dans l'intérêt de sa famille de conserver en son nom le chantier de chauffage dont il avait été chargé , et d'en confier la direction et le détail à des personnes qui ne prirent que très légèrement le soin de ses intérêts, aussi, quand en 1830, la garnison de Lorient se trouva tout à coup diminuée par les départs des bataillons Suisses, les délégués de Touboulic se trouvèrent en déficit, et celui-ci pour ne pas laisser compromettre plus longtemps ses intérêts et ceux de la compagnie dont il était l'agent titulaire, remit sa commissions à ? le chantier, et abandonna à qui de droit , pendant de très long mois, sa solde de retraite, notre honnête et malheureux capitaine ne se réservant pour subvenir à tous les besoins de sa famille que ses faibles appointements de maître de port.

Mais n'anticipons pas davantage sur les événements et sur les années, et avant de faire connaître au lecteur toutes les épreuves que la providence réservait encore à notre digne officier parlons de l'un de ses plus beaux traits (barré) à la reconnaissance de l'humanité.

Touboulic navigant aux époques les plus difficiles pour la marine française s'était trouvé dans trop de sinistre et avait couru de trop nombreux et nobles périls pour que son esprit observateur ne chercha pas à faire une application heureuse des connaissances théorique et pratiques qu'il possédait sur la balistique, aussi dès 1823, au moins trois ou quatre ans avant que le capitaine Mamby songea à présenter la bombe amarre avait-il imaginé le boulet grappin de sauvetage, les premières épreuves de ces projectiles, d'autant plus précieux qu'il peut sans encombrement et sans gène, faire partie de l'armement de chaque navire, furent faites au Poligone de Lorient le 24 juin 1824, et elles furent satisfaisantes.

En 1828 ou 1830, une commission se réunit à Brest, pour prouver ou expérimenter divers moyens de sauvetages, les projectiles de Mamby et de Touboulic étaient du nombre et il m'a été rapporté que c'était celui de ce dernier qui avait donné les plus grands nombres de sûrs résultats et pour la marine surtout il l'emportait sur les autres, car à la simplicité il joignait l'avantage inappréciables de pouvoir être lancés du bord à terre et réciproquement tandis que le projectile du capitaine anglais ne peut l'être que de terre à bord et que jamais il ne se trouvera sur toutes les côtes où la tempête peut jeter en bâtiment des mortiers pour lancer aux naufragés la bombe amarre, de plus les violences du vent toujours nuisibles quand on tire de terre à bord , l'est toujours moins quand on projette de bord à terre souvent au contraire, cette force du vent sera favorable à la portée du boulet grappin puisque presque toujours le vent bat en côté lorsque l'on fait naufrage .

Le projectile du capitaine Touboulic l'emporte donc autant par la sûreté que par la facilité de son transport.

De plus, que de nombreuses applications, un praticien marin n'en pourra-t-il pas faire en mille occasions.

Pour lancer un filin, tantôt à terre, tantôt au delà d'une barre dans le combat pour diriger ou faire éviter un brulôt et faciliter les prises en remorques et, quels avantages encore les navigateurs baleiniers n'en pourraient-ils pas tirer, quand ils se trouvent entourés ou voisins de bancs de glace, enfin en beaucoup de circonstances le projectile Touboulic pourrait aussi bien servir l'armèe de terre que la marine.

Comment se fait-il donc que le capitaine Mamby ait obtenu tant d'honneur tant davantage de son gouvernement et du nôtre et que Touboulic, capitaine français dont les titres et la rémunération de son gouvernement sont au moins aussi bien établis s'ils ne le sont pas plus, n'ait rien obtenu.

On lit dans la gazette de France du 12 8bres 1828.

Le ministre de la marine a rendu compte au roi de l'empressement que le capitaine Mamby, a mis à faire connaître son moyen de sauvetage , et sa majesté a bien voulu décerner une médaille d'or à cet honorable étranger comme un témoignage de satisfaction pour le service qu'il a rendu à l'humanité.

Mais dès 1824 Touboulic avait fait expérimenté son projectile à Lorient et quelques temps après la commission de Brest avait fait un rapport tout aussi avantageux du projectile français que du projectile anglais et cependant en 1828 et plus tard les ministres de la Marine se sont abstenus de rendre compte au roi de l'empressement et de tous les autres mérites du capitaine Touboulic aussi aucune récompense ne lui a-t-elle été décernée par l'ex Roi de France ni par sa majesté Louis Philippe le Roi des français, serait-ce donc parce que Touboulic n'était pas un honorable étranger que les ministres l'auraient oublié ? Oh non, ce ne sont pas les ministres mais ce sont les bureaux qui ne songeaient alors le plus souvent, qu'aux sollicitations qui les obsèdent ou à ceux qui les étonnent par le faste ou la puissance des recommandations et Touboulic n'en a jamais parcouru les couloirs. Trop souvent ceci fait que l'homme qui ne mérite pas ou qui mérite peu est mieux servi par la camaraderie de l'un des plus minces subalternes que l'homme de mérite ne l'est par la recommandation ou la volonté du ministre lui-même.

Et comment n'en serait-il pas ainsi puisque les ministres ne peuvent pas toujours lire les pièces qui sont soumises à leur signature.

Nous l'avons vu, à l'époque où il luttait de gloire, avec un officier anglais, le surpassait même notre marin presqu'aussi pauvre que Job, ne put pas se faire délivrer un brevet d'invention, ni faire divers voyages, n'y s'adresser à la presse qui, malgré tout, l'aurait fait ressortir et fait signaler au Roi et au pays, comme un homme méritant et aussi digne de la médaille d'or que le capitaine Anglais.

A son ingénieux projectile se trouve joint la proposition de divers moyens propres à faire parvenir à terre les premiers hommes qui tenteraient l'entreprise et à s'entendre avec eux par des signaux. Ces moyens furent aussi jugés très ingénieux par la commission brestoise et très praticables selon l’occurrence.

Après tant de travaux , si injustement oubliés, le découragement ne s'empara pas encore de l'opiniâtre Breton toujours espérant dans la justice de la patrie et toujours animé par le désir de lui être utile nous le verrons jusqu'aux derniers jours de sa vie s'occuper avec autant de sagacité et de constance de tout ce qui peut servir la marine, aider à l'instruction des pilotes, démontrer quels sont les points les plus avantageux de quelques parties des côtes sud de la Bretagne pour l'établissement de ses phares, adresser à la société internationale des naufragés plusieurs appareils de sauvetage et puis mourir, sans avoir cessé depuis 1814 d'être (barré) malheureux.

Seconde partie

Nous avons suivi le brave et généreux capitaine Touboulic dans sa carrière ascendante carrière de périls, de combats et de gloire. Nous avons raconté ses efforts inouïs et méritant et non moins glorieux depuis cette époque jusqu'à celle où par un sentiment honorable de Justice il fut nommé Maître du port de première classe à Port-louis ou officiellement il prit de suite possession de son nouveau service le 12 juillet 1825. Remettre Touboulic a même de s'occuper plus ou moins directement de ce qui était marine, de ce qui pouvait s'y rapporter, c'était rendre le poisson à la mer, c'était réveiller l'activité et le génie de notre marin c'était en un mot, par un seul jour de beau temps lui faire oublier deux mille jours de misère !

Touboulic regarde, examine le port sur la plage duquel il vient de débarquer, il reconnaît facilement combien les plus simples opérations commerciales doivent y être difficiles par la raison qu'il n'y a vu ni cales, ni jetées ni débarcadère convenables, rien enfin de ce qui est si nécessaire à une plage que les vents du Nord N. Est et Nord N.Ouest battent presque en plein, sur laquelle la mer marne et dont les courants suivant la hauteur des marées et la force des vents rendent souvent l'accostage difficile et le mouillage dangereux.

Faire relevé des lieux dessiner un plan le communiquer au contre amiral Bedel Dutertre Maire de la localité le faire présenter à l'ingénieur chef, fut l'un des premiers soins du nouveau capitaine du port. L'administration des ponts et chaussées tout en apportant à ce tracé les modifications dont sa spécialité lui rendait l'appréciation facile reconnut que toutes les propositions faites par le capitaine Touboulic étaient d'une justesse des plus heureuses et que dans le plus grand intérêt de nos navigateurs et du commerce il serait à désirer qu'on put en faire une prompte application.

Mais alors il n'y avait pas de fonds pour l'exécution de ces espèces de projets et l'administration la plus habile ne pouvait qu'avec peine entretenir ce qui existait mais rien n'entreprendre ni rien commencer. Touboulic demanda alors l'autorisation en y intéressant les caboteurs et autres de donner un commencement d'exécution à ses projets, et en assez peu de temps on vit une portion de chaussée faite à pierre seiche et perdues, s'avancer assez loin sur les vases dans la direction la plus convenable, pour favoriser le débarcadère et les opérations commerciales et qui aussi au besoin présentait au bâtiments caboteurs un abri plus certain.

Plus tard grâce à l'activité gouvernementale qui s'est réveillée dans l'intérêt des travaux publiés, on a pu ou l'on pourra je le crois mettre en exécution un ensemble de projets, qui rendra de très grands services et dont une très grandes partie sera due aux indications données et aux communications officieuses faites par notre vieux marin.

Appelé à la présidence de la commission de réception des pilotes-côtiers Touboulic pensa que ce serait beaucoup favoriser l'instruction pratique de ces derniers et la rendre plus solide s'il faisait pour le Port Louis et le port de Lorient pour les passes difficiles de l'entrée de ses ports, de leurs rades et des côtes et écueils environnants, un plan relief analogue à celui que d'une manière si heureuse il avait confectionner pour le port de Brest et pour lequel il ne reçut nous l'avons vu que de stériles félicitations.

Ce plan en relief de la plus grande exactitude, commencé en 1828 et terminé seulement en 1831, parce qu'il n'y travailla que dans ses moments de loisir et avec des outils grossiers, ses faibles moyens pécuniaires ne lui permettant pas de s'en procurer de plus convenables, fut admiré par tous les vrais connaisseurs non envieux et devint d'une grande utilité à tous les élèves qui furent appelé à l'étudier. Un Planisphère céleste d'une grande dimension ayant au moins quinze pieds de circonférence recouvrait ce plan au moyen de petits palans diversement placés, il était possible d'élever ce Planisphère à une certaine hauteur et de l'incliner dans le sens le plus favorable à l'étude, qui aurait pu sans hésiter en faire l'observateur.

Notre capitaine revenait à la gaieté et se croyait au vent du chagrin et de la misère lorsque les nouvelles de la fâcheuse gestion du combustible à délivrer aux troupes dont malheureusement il avait cru devoir garder la responsabilité lui fut apportée.

En homme courageux , il se résigna de suite à la détresse, il n'en fut pas moins très affecté quelque stoïque qu'il voulut être ou paraître il ne put s'en dissimuler les conséquences.

Le bien être de ses enfants et de sa femme allait nécessairement en souffrir aussi dès cette époque quelqu'effort qu'il fit sur lui-même son humeur devint plus sombre, son caractère plus inégal et ce dernier malheur l'aigrit contre les hommes sans cependant lui ôter le désir d'être toujours utile à l'humanité ce qui sera complètement démontré par l'examen de ces derniers essais et travaux dans ce moment critique , les soins de sa famille et de quelques vrais amis ne lui firent point défaut, il put espérer que par leur appui il parviendrait à assurer l'avenir de ses fils sa demoiselle femme gracieuse méritante, fut distinguée par un homme généreux qui comme tous les jeunes gens doués de courage, espérant trop du temps de son activité et de son aptitude au travail pour acquérir ce qui lui manquait la fortune ! s'empressa de la demander en mariage.

Les secours que la providence sans doute envoyait à Touboulic en pitié de ses malheurs immérités le ranimèrent un peu, et le rendirent encore une fois à ses préoccupation inventives, il passa les année 1832 et 1833 à payer la construction d'un bateau mécanique à roues et à levier qui sans exigé l'usage de la vapeur eut pu servir à faire d'une manière prompte et commode le trajet de Port Louis à Lorient, trajet si ennuyeux dans les bateaux ordinaires du pays surtout quand on a le vent de bout et la marée contraire, notre ingénieux constructeur serait arrivé à son but si quelques actionnaires avait voulu le seconder et si une entreprise de bateau à vapeur n'était venu par des efforts sans résultats avantageux aucun pour elle, déranger ses projets et détruire les chances de succès du laborieux marin.

En 1834 l'ingénieur en chef des travaux maritimes de Belle île Monsieur Gotel lui ayant demandé son avis particulier sur un ou plusieurs feux à établir au Port Louis, notre capitaine lui répondit en lui adressant un travail complet tant dessiné qu'écrit sur la position des feux ou phares destinés à éclairer la direction à suivre dans les entrées et sorties des passes du Port-Louis aussi si l'administration des ponts et chaussées établit ces feux de côtes et y aurait grande justice de sa part à solliciter du gouvernement l'autorisation d'en désigner au moins une sous le nom de phare Touboulic ce serait un hommage mérité rendu à la mémoire de cet homme qui était si digne et si modeste et une réparation bien faible de l'injuste révocation dont on ne sait pourquoi il a été victime peu de temps avant sa mort.

Toujours occupé de l'idée de se rendre le plus possible aux hommes et surtout aux navigateurs notre capitaine s'étourdissait sur tous ses malheurs peut-être même ne les considérait-il déjà que comme des grains passagers que le vent poussait loin de lui lorsqu'un avant dernier coup du destin inexorable vint le frapper dans l'objet de ses plus tendres affections : le 15 juillet 1835 Touboulic perdit sa femme, sa bonne cousine, son excellente compagne, la seule personne qui eut peut-être sur son esprit parfois opiniâtre un ascendant très marqué, du reste, cette affectueuse domination est un avantage que plus d'un marin laisse volontiers prendre à la femme qui par ses soins empressés et assidus l'empêche de trouver à terre le temps long et ennuyeux.

Eloigné de tous ses enfants alors dans la douleur, désormais complètement isolé, notre marin tout à fait étranger à la surveillance minutieuse des intérêts domestiques ne se trouvait plus entouré pour un temps que de soins mercenaires , l'abandon de ses intérêts lui vaudra des tracasseries d'autant plus fâcheuse que celles-ci l'empêcheront de se livrer avec assiduité à ses ingénieuses occupations chéries, que si aux maux de son âme si souvent et si cruellement froissée n'étaient un remède, étaient au moins un palliatif .

La nature de Touboulic comme à vrai dire celle de presque tous les marins était une nature de fer, car malgré les douleurs physiques que lui font endurer les cicatrices de ses vieilles blessures malgré celles plus poignantes de l'âme que son dernier malheur et sa vie de veuf éloigné de toutes les affections de famille, lui font ressentir son génie inventif se redresse encore cherche à reprendre le dessus et à ses amis étonnés notre ingénieux brestois montre les modèles de sa baliste de sauvetage et de son arbalète de salut (1) ces modèles lui vaudront plus tard les unanimes félicitations de la société internationale des naufragés mais du gouvernement rien, pas même le redressement d'un déni de justice qui lui a été fait par l'administration des ponts et chaussées du Morbihan, dont la conscience à sans doute été trompés par quelques uns des nombreux ennemis que le mérite même de Touboulic a du lui faire.

Le dernier trait surtout nous semble bien justifier les lignes que l'on a lues dans l'Armoricain du 16 7bre 1843, à propos de M. Sauvage constructeur de navire à Boulogne.

On a souvent reproché à la marine française de ne pas encourager ses inventeurs qui se trouvent ainsi souvent obligé de porter à l'étranger le fruit de leurs longues recherches ou de mourir dans la misère ou l'oubli avec leurs inventions.

Ici nous verrons que l'on a fait plus, on est venu frapper l'inventeur, nous ne dirons sans doute pas pour qu'il mourût mais nous demanderons pour quoi ? Quelque bien trempée que soit l'âme de l'homme que l'adversité atteint au milieu de sa carrière si le malheur lui reste constant, quelqu'effort qu'il fasse pour le chasser il est rare que si cet homme arrive à un âge un peu avancé que son caractère ne se ressente pas des froissements répétés du cœur c'est aussi ce qui arriva à notre vieux maître de port.

Depuis la mort de sa femme et l'absence forcée de ses enfants, le Port Louis ne lui semblait plus que un lieu d'exil insupportable, il prenait en dégoût les faibles exigences de son emploi et il se raidissait quelque fois avec aigreur contre les réclamations souvent fondées plus souvent irréfléchies des voyeurs que les circonstances mettent en rapport avec les bateliers non disciplinés du paysage de Port Louis à Lorient cette disposition d'esprit .., bien excusable chez un homme de son âge et qu'un destin cruel n'avait cessé d'éprouver lui suggéra l'idée de chercher ce qu'avant lui un des maîtres de port du chef lieu du département avait pu trouver un remplaçant qui lui ferait une rente viagère afin que le complément mérité à sa retraite le prix du sang répandu pour la gloire et la défense de la patrie ne lui fut pas complètement ravi, et c'est lorsqu'il se complaisait dans l'espérance de la réussite de cet arrangement qui lui assurait avec le repos dont il avait besoin, sa pension alimentaire.

Puisque nous avons vu que son excessive probité l'avait déterminé pour un temps assez long à se prouver tantôt en partie tantôt en totalité de son traitement retrait que le 7 septembre 1840 une révocation non prévue et non motivée vint le frapper pour nommer en sa place un simple capitaine de barque, un maître au cabotage parent ou ami d'un homme puissant ce maître au cabotage comme le disait Touboulic lui-même pouvait bien aussi par les services qu'il a pu rendre avoir droit à une rémunération du gouvernement mais non pas avoir droit à l'emploi qu'il occupait et qui lui avait été accordée à lui, brave capitaine de frégate répétons-le, en complément d'une solde de retraite insuffisante et comme le prix du sang qu'il a versé pour le pays.

Cette révocation brutale a été une injure faite à la marine militaire de l'Empire en la personne de l'un de ses vieux et glorieux membres, elle n'a pu être que le résultat de dénonciations calomnieuses qui ont trompé, soit la religion de l'administration des ponts et chaussée, soit celle de Mr le Préfet du Morbihan , mais quelqu'en ait été le motif, j'admettrais même qu'eut-il été fondé, la position de Touboulic, son âge, ses antécédents, son mérite, sa gloire commandaient au moins quelques précautions, un avis et si le service important de maître de port de la crique Port Louis se trouvait compromis par la débilité croissante que Touboulic devait à ses bons et loyaux services, à ses chagrins et à ses vieilles années si l'on croyait être trop pressé pour ne pas attendre qu'il mourût avant de le remplacer, l'administration n'aurait pas dû il nous semble lui refuser si ce n'était une rente au moins une indemnité en récompense des seize années de service dont on n'avait pu lui tenir compte pour la retraite.

La place de maître de port lui avait été donnée par la restauration nous ne pouvons trop le redire comme complément de cette retraite, dont le chiffre fut fixé à une époque de revers et lui avoir repris cette place sans dédommagement aucun, n'est-ce pas lui avoir servi un bien qu'il avait gagné longtemps avant de l'avoir possédé, et, qu'il a même bien gagné comme nous l'avons vu, pendant qu'il le possédait.

N'a-t-il pas comme tous les agents des ponts et chaussées supporté les retenus de 3 et 4 % sur ses appointements et pourquoi donc avoir enlevé au vieil officier de marine son traitement civil d'activité qu'il pouvait, qu'il devait percevoir jusqu'à sa mort puisque la loi dit, que les pensions de retraite pour service militaire pourront être cumulés avec un traitement civil d'activité, ou pourquoi plutôt encore l'avoir empêché de faire un arrangement analogue à celui qui avait été permis à l'un des ex officiers de port de Vannes.

Peut-être que si M. le Préfet du Morbihan s'était souvenu des services que le dévouement médical non récompensé du gendre de feu Touboulic avait rendu à diverses communes de son département et à celle de Vannes même lors du choléra de 1832 et de 1834 que Monsieur le Préfet eut pris plus à cœur de ne pas laisser dérober c'est le mot à un vieillard malheureux les dernières ressources qui lui restaient.

Le sous secrétaire d'état des travaux publics de l'époque (personnel) n'ayant répondu aux réclamations d'un officier malheureux que par des fins de non-recevoir il fallut bien que celui-ci se résigna. Il se rendit à Lorient près de sa fille et de ses jeunes et petits enfants dont le père pour lui assurer l'existence servait alors l'état comme chirurgien auxiliaire de la marine.

Le vieux rocher fut recueilli et assisté par la jeune famille durant tout le temps de l'absence de son gendre mais en 1841 celui-ci abandonnant la position précaire qu'on lui avait dit vacante, fut suivi par sa femme et par ses enfants et le pauvre vieillard ne pouvant les accompagner fut privé encore une fois des soins seuls peut-être auraient plus prolonger ses années après le coup si injuste et si cruel de ma révocation dont on l'avait frappé.

Chose remarquable , Touboulic ne proféra d'autres murmures contre cette révocation que de se demander s'il était revenu au jour de 93.

Désireux avant de mourir de faire hommage à la société internationale des naufragés des modèles de ses dernières inventions il obtint du préfet maritime du port de Lorient le contre amiral Ducrest Villeneuve l'autorisation de suivre dans les ateliers de l'arsenal la construction de ses moyens de sauvetage et c'est pour ces derniers appareils et ses travaux précédents qu'il reçut trop tard pour sa satisfaction personnel mais non trop tard pour l'honneur de sa mémoire et de la philanthrope société d'unanimes marques d'estime et d'intérêt.

Notre vieux camarde tout-à-fait affaibli par la continuation de ses ingénieux efforts et de ses trop nombreux soucis que des hommes envieux ou incapables d'apprécier son mérite lui avaient causés, se décida à demander son admission à l'hôtel des invalides de la marine à Brest, ou six semaines après y avoir été reçu, en pardonnant à ses injustes ennemis tout le mal qu'ils lui avaient fait et en recommandant à la providence l'avenir de ses enfants, en homme chrétien il remit son âme à Dieu le 12 juillet 1843.

L'honnête et brave capitaine Touboulic (Toussaint) n'a point laissé d'autre héritage à ses enfants et petits enfants que ses titres à la gloire et à la gratitude de la France et de l'humanité.

Depuis l'époque de sa longue captivité en Angleterre, Touboulic on peut le dire n'a pas cessé d'être malheureux et l'une de ses plus grande douleur a été de mourir sans emporter au moins l'espérance de voir l'un de ses petits fils être appelé par l'appui du chef de l'état à servir la périlleuse et belle carrière de la marine .

Que la brise te soit douce et bonne et que la marée te soit meilleure dans l'autre monde.

Mon vieux capitaine

Adieu

Ton ami, un ancien marin"

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